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Le pari de Northern Graphite pour libérer l’Occident du graphite chinois

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

À première vue, le graphite semble bien anodin pour le néophyte du quotidien. Mais à en croire Hugues Jacquemin, PDG de l'entreprise canadienne Northern Graphite, cet élément discret est en passe de devenir l’un des matériaux les plus stratégiques de la décennie. « Il n’y aura pas de transition énergétique sans graphite. Ce n’est pas une simple matière première : c’est une composante vitale des batteries électriques, du stockage d’énergie et même de l’industrie de la défense », affirme-t-il. Au cœur de cette ambition : le projet Okanjande en Namibie, une ancienne mine à ciel ouvert que Northern Graphite s’apprête à relancer pour alimenter une chaîne d’approvisionnement occidentale de graphite.


Hugues Jacquemin, CEO de Northern Graphite
Hugues Jacquemin, CEO de Northern Graphite

Par David Briand

Publié le 20 juin 2025

Lecture : 4 minutes


Du Canada à la Namibie


Northern Graphite contrôle déjà la seule mine de graphite en activité en Amérique du Nord, Lac des Îles (LDI), située au Québec avec une production annuelle entre 10 et 15,000 tonnes : « C’est notre socle. Elle nous permet de fournir dès maintenant des clients industriels et de poser les bases de notre stratégie mine-à-batterie. » Pour pérenniser son activité, la société cherche 10 millions de dollars canadiens pour étendre la mine et éviter l’épuisement du gisement d’ici la fin de l’année.


Autre projet canadien : Bissett Creek, en Ontario, qui pourrait entrer en production en moins de deux ans. Avec un graphite de qualité supérieure, ce gisement a tout pour séduire les investisseurs. « Nous menons des discussions avec des agences fédérales, provinciales et même internationales. Ce projet est prêt à décoller dès que les financements seront en place. »

La mine de Lac des Îles au Québec, seule mine de graphite en activité en Amérique du Nord
La mine de Lac des Îles au Québec, seule mine de graphite en activité en Amérique du Nord

Mais Northern Graphite mise également sur le projet Okanjande en Namibie : « C’est notre pilier stratégique pour offrir une alternative crédible à la dépendance chinoise », affirme Hugues Jacquemin. Située dans un pays politiquement stable, dotée d’infrastructures logistiques performantes et d’un accès direct au port de Walvis Bay, la mine namibienne constitue une porte d’entrée idéale vers les marchés européens et nord-américains.


Fermée depuis 2023, la mine devrait reprendre ses activités d’ici 2027. « Nous avons un atout incomparable : une capacité de montée en puissance rapide et rentable. Cela nous permet de réduire le temps de mise en marché par rapport à d'autres projets concurrents », souligne-t-il.


Le plan est ambitieux : acheminer le graphite extrait d’Okanjande vers deux usines de transformation de matériaux d’anodes pour batteries, l’une en France, l’autre au Québec. L’objectif est clair : sécuriser la chaîne de valeur des batteries électriques hors de Chine, alors que cette dernière contrôle plus de 90% de la production mondiale de graphite transformé.

Deux usines, une même vision stratégique


La vision de Northern Graphite s'inscrit dans une intégration de la chaîne de valeur du graphite. L’entreprise canadienne souhaite ainsi construire une usine de matériaux d’anode en France, reconnue comme projet stratégique par l’Union européenne dans le cadre du Critical Raw Materials Act. Un tournant décisif, selon Jacquemin : « Cette désignation change la donne. Elle nous donne accès à des financements publics, renforce notre crédibilité, et accélère nos délais. » L’investissement s’élève à plus de 150 millions d’euros.


Les usines pourraient, à terme, alimenter des millions de véhicules électriques. Côté financement, le projet pourrait bénéficier d’un crédit d’impôt industriel du Ministère de l’économie français, pouvant aller jusqu’à 45 % du montant investi.


De l’autre côté de l’Atlantique, l’usine de Baie-Comeau au Québec attend encore une décision cruciale : l’attribution d’un quota d’énergie par Hydro-Québec. « Nous sommes pris dans une dynamique de type poule-et-œuf : il nous faut des engagements clients pour obtenir de l’électricité, mais sans électricité, il est difficile d’obtenir ces engagements », reconnaît-il. Mais là encore, la logique géopolitique s’impose. « Baie-Comeau peut devenir la plaque tournante des exportations de graphite vers l’Europe, grâce à sa position géographique et au soutien du port de Rotterdam. »


Financer l’indépendance occidentale en graphite


Mais le défi est aussi financier. La dépendance au graphite chinois a dissuadé de nombreux investisseurs occidentaux. « Les prix sont restés bas à cause d’un marché déséquilibré par la Chine. Mais le vent tourne. Les décideurs commencent à comprendre ce que nous disons depuis des années : pas de transition énergétique sans graphite. »


Northern Graphite multiplie donc les discussions avec des gouvernements, des fonds souverains, des industriels et même des constructeurs automobiles. Jacquemin reste discret, mais admet : « En dehors de la Chine, je peux compter sur les doigts d’une main les grands fabricants de batteries ou de voitures avec qui nous ne parlons pas. »

Pour Hugues Jacquemin, le contexte géopolitique donne à ses projets une portée bien plus vaste. « Ce n’est plus une simple question de prix ou de compétitivité : c’est une question de souveraineté industrielle. Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont mis les minéraux critiques, et le graphite en particulier, au centre des politiques industrielles occidentales », analyse-t-il.

« Dans cinq à dix ans, nous serons l’un des plus grands producteurs de graphite naturel hors de Chine, avec une présence majeure dans les matériaux d’anodes » Hugues Jacquemin, CEO de Northern Graphite.

D'après le USGS Geological Survey, les États-Unis importaient en 2023 environ 84,000 tonnes de graphite, principalement en provenance de Chine avec la moitié de ses importations. Une dépendance critique à laquelle Northern Graphite souhaite apporter une réponse. La mine namibienne pourrait ainsi jouer un rôle géostratégique. « L’Ouest prend conscience que sa dépendance au graphite chinois est une vulnérabilité majeure. En relançant Okanjande, nous apportons une solution tangible à ce défi. » La stratégie de Northern Graphite est claire : bâtir un réseau intégré de production et de transformation de graphite pour répondre aux besoins critiques de l’Occident.


Alors que les États-Unis imposent des tarifs douaniers sur le graphite chinois et que l’Europe déploie ses propres mécanismes de sécurisation des approvisionnements, la société canadienne entend incarner cette nouvelle autonomie stratégique. « Le monde se réveille. Il comprend que la transition énergétique ne pourra se faire qu’en maîtrisant les chaînes de valeur. Et nous sommes prêts. »



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