Quelle stratégie pour Ressources Robex en Afrique de l'Ouest ?
Ressources Robex Inc. est une entreprise canadienne d’exploration et d’exploitation aurifère située au 2875 boulevard Laurier, dans la ville de Québec au Canada. Comme de nombreuses entreprises minières installées au Québec et cotées à la Bourse de Toronto, Robex opère exclusivement sur sol étranger, en l’occurrence ici en Afrique, à la frontière avec le Burkina Faso, dans la région de Sikasso au Mali. Après un rapprochement avec un autre opérateur en Guinée, Robex Ressources affirme sa volonté de s’étendre en Afrique de l’Ouest.
Revenons sur le profil de cette entreprise, ses actionnaires, son modèle économique et ses défis avec Aurélien Bonneviot, Chef des relations avec les investisseurs (devenu CEO en avril 2023)
Une aventure malienne
En 2012, Georges Cohen, homme d’affaires français, décide de se lancer dans un projet minier visant à exploiter la mine de Nampala située à 335 km de Bamako et à cheval sur les communes de Finkolo, Ganadougou et N’Tjikouna. Le patriarche de la famille Cohen né au Maroc en 1953, arrive en France à 3 ans et fait fortune avec son entreprise Transiciel qui obtiendra le prix de la décennie et se diversifie après la vente à Capgemini de son entreprise fondée en 1990. Georges Cohen avec ses enfants investit dans de nombreuses entreprises, dans le secteur des énergies avec AlterGaz qu’il revendra à Eni ou encore les véhicules blindés Panhard qu’il revendra à Volvo. Gérant ses affaires depuis son family office, Fairchild Participations enregistré au Luxembourg, Georges Cohen cherche à diversifier le portefeuille d’actifs familiaux qui contient déjà l’entreprise Moongy et un fonds d’investissement. Ainsi, George Cohen, décide de partir à l’aventure minière entouré de ses proches collaborateurs, son fils Benjamin Cohen, Augustin Rousselet et Nicolas Ros de Lochounoff en achetant des actions de la société qui est cotée en bourse au Canada Robex (RBX :TSXV) en 2014. En partie financé par un gold loan, prêt d’argent remboursable en or, et appuyé par des banques locales, Ressources Robex réussi à lever 60 millions d’euros auprès d’investisseurs étrangers.
La mine d’or de Nampala au Mali a démarré sa production en 2016 et est inaugurée le 29 mars 2019. La cérémonie comptait des officiels tels que Lelenta Hawa Baba, ministre des mines, du pétrole et de l’eau, Moulaye Ahmed Boubacar, ministre du développement industriel et des investissements, Yaya Sangare, ministre des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration africaine. Du côté de Robex, on retrouve, le CEO Benjamin Cohen, le Directeur financier et des opérations Augustin Rousselet ainsi que le représentant du Président pour l’inauguration Nicolas Ros de Lochounoff. Pour couronner le tout, l’ambassadeur canadien Louis Verret et le représentant du service économique de l’Ambassade française étaient également présents ainsi que de très nombreuses autorités et acteurs du monde économique malien.
La mine de Nampala est incorporée sous le nom de Nampala S.A dont les bureaux sont Rue 50 porte 901 Badalabougou, Mali. Nampala S.A est détenue à 90% par Robex et à 10% par le gouvernement malien. Les lingots d’or qui sortent de l’usine de Robex sont à 98% de pureté en or et sont ensuite affinés par des raffineurs spécialisés suisses. Sur l’année 2021, c’est près de 46,000 onces d’or pour une trésorerie nette de 9 millions de $CAD. Le site minier de Nampala fait appel à 385 salariés, et 800 personnes travaillent sur le site en y incluant les sous-traitants. Nampala S.A se veut, selon M. Bonneviot, une « une mine malienne » employant seulement 7 expatriés en rotation ainsi qu’une « mine école » ayant formés 44 de ses managers au Canada. Souhaitant être à la pointe de l’innovation minière, Robex a conclu un accord avec Vivo Energy, entreprise œuvrant dans le domaine du pétrole en Afrique, dirigée par l’ancien monsieur Afrique de Total Stanislas Mittelman, afin d’installer une centrale solaire photovoltaïque de 3,9 MW qui fournit 35% de l’énergie de la mine.
L’entreprise Robex, et ses filiales locales, détiennent quatre autres permis d’exploration au Mali sur lesquels le groupe entretient un programme de forage. Un permis d’exploration dans la région du Kayes dans le district de Sanoula, (PR 2088/19), un autre dans la région de Sikasso dans le district de Mininko (PR 2151/19). Selon le site officiel du Ministère des Mines du Mali, Robex ne détient pas d’autres permis valides. La filiale Nampala S.A détient un permis d’exploration depuis 2012 et jusqu’en 2042 dans la région de Sikasso dans le district de Nampala (PE 413/12). Le directeur pays de Robex au Mali est Abdel Kader Maiga. Ce dernier indépendamment de son activité est également devenu 2ème secrétaire adjoint chargé des Industries et des Mines du parti URD.
Si Aurélien Bonneviot avoue une pression constante quant aux opérations au Mali en raison des problèmes liés à la situation sécuritaire, il se montre également confiant dans le Mali : « depuis que nous opérons, il y a eu plusieurs changements politiques soudains, 7 grèves nationales et la mine ne s’est jamais arrêtée ». Cependant la situation sécuritaire inquiète. Les quelques expatriés ne doivent pas sortir du site minier, une équipe entière est dédiée à la protection de la mine et aux déplacements. Aurélien Bonneviot rassure quant aux bonnes relations avec le gouvernement malien car « nous payons ce que nous devons légalement au gouvernement » mais il confie une difficulté à se projeter dans le temps quant à d’éventuels investissements. Mais « on pourrait doubler un jour nos capacités au Mali sur 2 ou 3 ans quand les circonstances le permettront».
Un projet guinéen
Après l’exploitation de la mine de Nampala au Mali, l’entreprise Robex souhaite s’étendre en Afrique de l’Ouest et diversifier les risques politiques et opérationnels, sur le modèle d’Endeavour Mining dont Aurélien Bonneviot nous dit encore une fois s’inspirer personnellement. Ainsi en avril 2022, l’entreprise québécoise se rapproche de l’entreprise chypriote Sycamore dirigée par Matthieu Sharples et Michael Malka en Guinée donnant ainsi une plus grande ampleur au projet d’exploitation Kiniero situé dans l'est de la Guinée, dans la préfecture de Kouroussa à environ 27 km au sud-est de la ville de Kouroussa, à 55 km à l'ouest-nord-ouest du centre provincial de Kankan et à une distance de 546 km de Conakry, la capitale de la Guinée. Le projet est situé à 422 km de Bamako, la capitale du Mali. Les gisements d'or de Kiniero, situés dans le prolifique bassin aurifère de Siguiri, ont été découverts au début des années 1900 et ont été explorés par la suite jusqu'en 2002, date à laquelle la production d'or a commencé sous la propriété de Semafo Inc et de sa filiale Semafo Guinée SA. Une fois le rapprochement clôturé, les actionnaires de Robex et les anciens actionnaires de Sycamore détiendront, sous réserve d’ajustements, respectivement 59,78 % et 40,22 % de Ressources Robex.
Le projet aurifère de Kiniero est un ensemble de terrains d'exploitation et d'exploration d'une superficie légale de 470,48 km² qui comprend la zone de permis d'exploitation de Kiniero et la zone de permis d'exploration de Mansounia, toutes deux adjacentes.
L’étude de préfaisabilité réalisée en septembre 2022 prévoit des réserves prouvées et probables de 803 Koz d'or, une production totale de 712 Koz, un tonnage de 1,34g/tonne. La durée de la mine serait de 6,5 années pour une production annuelle moyenne de 110 Koz à un coût AISC de 1 033$/oz. Robex souhaite être prêt avant la fin de l’année pour commencer la construction de l’usine en 2023. Robex est actuellement en négociation auprès de banques et de fonds d’investissements. L’ambition est donc clairement affichée, tripler la taille de Robex en passant d’une production d’or de 50,000 onces par an avec Nampala à 160 000 onces d’or avec le projet Kiniero. En répliquant le modèle opérationnel de Nampala, Aurélien Bonneviot nous indique vouloir faire de Kiniero une mine guinéenne avec des Guinéens. De plus, grâce au partenariat technique et financier avec Vivo Energy les infrastructures électriques devraient se composer à 50% d’énergie solaire.
L’homme d’affaires Georges Cohen qui a mis les pieds dans les mines africaines depuis presque 10 ans continue d’afficher son ambition. Après un modèle opérationnel rentable au Mali, son entreprise s’étend en Guinée pour tripler la taille du groupe. C’est cependant dans un contexte géopolitique complexe qu’il faudra naviguer entre le Mali qui connaît des violences importantes dans le nord du pays et des instabilités politiques récurrentes et la Guinée qui elle aussi a récemment connu un changement soudain avec Mamadi Doumbouya un Président volontaire connu pour apporter des changements au secteur minier guinéen afin de renforcer son intérêt pour la population Guinéenne ; schéma qui correspond justement à la démarche souhaitée par Ressources Robex « être un acteur minier pleinement africain ». Le projet Kiniero rentrera en production au premier trimestre 2024.
Nous remercions Aurélien Bonneviot de sa disponibilité et de son ouverture à communiquer sur les opérations de Ressources Robex Inc.
Propos recueillis par David Briand en novembre 2022.